15 août 2011

Numéro 3 - PRÉMATURÉment Maman

Lorsqu’on apprend qu’on est enceinte, qu’on voit les lignes apparaître dans la fenêtre du test de grossesse, on vit un moment magique, indescriptible. Ce qui nous arrive est énorme, on n’ose à peine y croire et il nous faut quelques jours pour nous rendre compte que l’on va être maman, qu’un petit, tout petit être grandit en nous et que notre vie change à jamais.

Vient alors l’angoisse du premier trimestre, la peur de mal faire et de perdre le bébé. Certaines vivent dans cette peur  presque constante quand d’autres, au contraire, font comme si de rien n’était et continuent à vivre comme avant, peut-être un peu plus modérément.
À l’entame du deuxième trimestre, on est plus sûres de nous, on en a parlé à la famille, aux amis et de toute façon, étant donné qu’on ne rentre plus dans nos pantalons et qu’on se sent déjà énormes, tout le monde est au courant. C’est une période de transition qui n’est pas évidente à vivre pour tout le monde. Pour ma première grossesse par exemple, à 4 mois, je ressemblais un peu à une baleine, non pas que mon ventre ait été particulièrement proéminent mais j’avais littéralement élargi et pris une forme proche de celle de la poire. Pour mon deuxième enfant par contre, personne ou presque ne s’était rendu compte de rien au même stade. Certes, mes amis trouvaient étrange que je refuse la bière de l’apéritif mais, bien camouflée par mon manteau d’hiver, la grossesse pouvait presque passer inaperçue. Mais pas pour longtemps!

C’est alors que vient le temps où l’on en profite vraiment, où l’on est fière d’arborer ce « gros ventre », cette bosse pleine de vie qui, à peine mentionnée, nous fait sourire jusqu’aux oreilles. C’est aussi à ce moment-là que de nombreuses femmes prennent véritablement conscience que le grand moment, le jour J, n’est plus si loin. Certes, on y pense tout au long de la grossesse, se demandant si on souhaite allaiter, si on sera capable de supporter la douleur, si le médecin qui nous a suivie sera présent à l’accouchement, etc. Mais, à moins de risques ou d’antécédents particuliers, à aucun moment on n’imagine d’autre scénario qu’un accouchement naturel aux alentours de la 40ème semaine, en présence du futur papa. C’est un moment qui s’apparente un peu au mariage, que l’on vit maintes et maintes fois en pensée et qu’on idéalise forcément. Et c’est précisément ce moment que la naissance d’un enfant prématuré chamboule et rend presque « irréel ».

Lors de ma première grossesse, j’ai accouché une dizaine de jours en avance, de manière tout à fait naturelle et normale (s’il existe une normalité de l’accouchement), en présence de mon conjoint.
Ma seconde grossesse se passait parfaitement, j’entamais le 7ème mois lorsque je commençai à ressentir des contractions de plus en plus fréquentes et douloureuses, qui continuèrent d’aller et venir, se rapprochant, s’éloignant, gagnant ou perdant en intensité. Plus tard, elles se firent plus fortes et se mirent à ressembler à de vraies contractions de travail. Je vous passe les détails graphiques pour passer directement à l’arrivée à l’hôpital, à l’accouchement par césarienne d’urgence et à la naissance de mon petit gars, le tout en moins d’une heure.
Précisons que tout cela s’est déroulé au beau milieu de la nuit et qu’étant donc allée à l’hôpital seule, en taxi, j’ai accouché « en mère célibataire », attachée à une table d’accouchement sous les encouragements du personnel soignant…

Heureusement, tout s’est bien passé (à quelques minutes près) et bébé est venu au monde à 32 semaines. J’avoue que, un peu plus d’un mois après les événements, je ne me rends toujours pas compte de ce qui s’est passé cette nuit-là. Quand je vois mon p’tit bout, que je le prends dans mes bras, il m’est difficile de croire qu’il devrait théoriquement toujours être dans mon ventre, bien à l’abri en train de grandir.
C’est bien là quelque chose à quoi on n’est absolument pas préparée mais qui peut arriver à n’importe qui, n’importe quand. Un accouchement par césarienne n’est déjà pas ce dont on rêve en tant que future maman : on appréhende cette affreuse cicatrice qui paraîtra pour toujours et nous donnera l’impression d’être la créature du docteur Frankenstein (on a toujours tendance à exagérer dans ces cas-là!). Mais lorsque cette césarienne est une question de vie ou de mort pour l’enfant et nous fait basculer dans un monde totalement imprévu et inconnu de manière brutale, rapide et si prématurée, c’est encore pire.

Après l’accouchement donc, c’est le flou total. Le bébé est emmené directement par l’équipe médicale (un p’tit bec pour la route tout de même) et on se retrouve seule à se demander ce qui se passe. La réalité commence doucement à nous rattraper, on se rend compte que le bébé est né, qu’il est en train de recevoir des soins parce qu’il est né trop tôt, beaucoup trop tôt. Dans l’impossibilité de le voir, on tourne en rond (façon de parler…) et  on commence à se poser des questions : pourquoi est-il né aujourd’hui? Que s’est-il passé? Qu’est-ce que j’ai fait pour que ça arrive? Toutes sortes de questions qui ne trouvent pas forcément de réponse. La culpabilité s’installe, qu’on le veuille ou non, et les quelques heures que l’on doit attendre pour revoir notre bébé n’aident pas.
Puis, ça y est, on peut enfin aller voir bébé! Et là, comme si cela ne suffisait pas, on vit un autre instant traumatisant, celui de découvrir son enfant dans un incubateur, relié à toutes sortes de machines qui émettent des signaux divers que l’on ne comprend pas et qui nous font d’autant plus peur. Dans mon cas, heureusement, bébé n’a jamais eu besoin d’assistance respiratoire mais était tout de même « branché » de manière à surveiller ses signes vitaux. Il avait aussi un affreux tube dans le nez pour le gaver, terme que j’ai du mal à utiliser tellement il s’apparente aux oies et à la fabrication du foie gras… Passé le choc initial, on prend le temps de découvrir son enfant, de l’admirer et au bout d’un moment, on arrive presque à faire abstraction de tous les fils qui entrent et sortent de ce petit corps. On aimerait le prendre dans nos bras, l’allaiter normalement mais c’est impossible pour l’instant, il faut encore attendre que bébé soit plus fort. Cependant, il y a toujours une infirmière qui, nous voyant la larme à l’œil – ou carrément en larmes – devant l’incubateur, a pitié de nous et nous propose de prendre bébé en « peau à peau » et ainsi de recharger quelque peu les batteries et de nous remonter le moral.
Le personnel de l’unité de néonatalogie joue d’ailleurs un rôle clé dans le déroulement du séjour prolongé de bébé à l’hôpital. Il faut malheureusement vivre une telle expérience pour se rendre compte du travail effectué par les infirmiers, infirmières et pédiatres de ce service. Leur soutien et leurs encouragements, les petits « trucs » qu’ils nous donnent et le vécu qu’ils partagent avec nous ont une valeur inestimable et aident énormément les nouveaux parents que nous sommes à traverser l’épreuve des aller-retours quotidiens, du tirage de lait sans bébé à domicile, du questionnement perpétuel qui nous fait douter, nous décourage même par moment. Grâce à ces hommes et ces femmes présents en permanence aux côtés de notre bébé, nous grandissons avec lui et apprenons à nous connaître de manière plus sereine et pleine d’assurance. Et bizarrement, lorsque le jour de la sortie arrive, on se dit « déjà? » car on était en quelque sorte entrés dans une routine dont on sort tout de même avec joie!! En effet, la sortie de l’hôpital est magique mais aussi apeurante car nous voici désormais seuls, laissés à nous-mêmes avec ce petit être qui nous paraît encore bien fragile. Mais détrompez-vous, les enfants prématurés sont bien plus forts qu’il n’y parait et ont bien des choses à nous apprendre. Ils sont pleins de courage, de détermination et font preuve d’une envie de vivre incroyable. En tant qu’adulte, on se plaint de broutilles au quotidien, on n’est jamais satisfait et ces petits bouts nous donnent une véritable leçon de vie! À méditer…

Céline Richert

Je tiens à remercier tout particulièrement l’équipe du service obstétrique de l’hôpital Saint-Luc qui m’a si bien accueillie lors de mon accouchement et plus encore les membres de l’équipe de néonatalogie qui ont pris soin de mon fils avec tout leur savoir-faire et leur amour. MERCI, MERCI À VOUS (Marjolaine, Pascale, Audrey, Francis et tous les autres)

Ressources : http://www.premaquebec.ca/default.php
Le grand livre du bébé prématuré, 2ème édition, Sylvie Louis, Éditions Enfants Québec

  • Au Québec, 8,1% des bébés naissent prématurés, soit avant 37 semaines de grossesse (2006-2007)

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